Les Années Douces (Sensei no Kaban) est un manga en deux tomes publié au Japon aux éditions Futabasha. Tsukiko approche de la quarantaine et mène une vie modeste et sans histoire. Vivant seule, elle passe une grande partie de son temps libre à savourer de bons petits plats et des boissons au bar du coin. C'est là qu'elle retrouve son ancien professeur de japonais, lui aussi célibataire. Dès lors, ils se retrouvent souvent ensemble et discutent autour de spécialités japonaises et de saké. D'abord par pur hasard, puis de plus en plus consciemment, ils maintiennent leurs rencontres régulières et organisent même des rendez-vous, des promenades ou des visites de musées. Les sentiments de Tsukiko pour celui qui pourrait être son père sont indéniables, et malgré leurs différences profondes, une tendre histoire d'amour naît.

Des couples d'amoureux dépareillés – on en trouve innombrables sur nos étagères. Qu'il s'agisse de Roméo et Juliette, d'Elizabeth Bennet et M. Darcy, ou de Bella et Edward  , un obstacle apparemment insurmontable sépare ces amants. Pourtant, dès leur première rencontre, un lien palpable les unit et les attire. Pourtant, il est impossible d'expliquer une histoire d'amour aussi extraordinaire que celle entre Tsukiko et son ancien professeur en utilisant les schémas narratifs familiers des romans d'amour. La description de leur rapprochement progressif, sur fond de traditions japonaises, est si différente, bien plus légère et pourtant plus intense que nombre de récits d'amour contemporains. Deux personnages sont au cœur de l'histoire : Tsukiko et son professeur, qu'elle appelle Sensei depuis leur première rencontre. Un seul autre personnage pourrait être qualifié de personnage secondaire, mais il joue un rôle mineur dans la progression de l'intrigue. Pendant plus de 430 pages, nous écoutons presque exclusivement les conversations entre Tsukiko et le Sensei, qui traînent principalement dans leur bar local ou d'autres pubs, savourant des délices culinaires. Tsukiko est un personnage difficile à cerner au premier abord. Bien que les événements soient présentés de son point de vue (ses pensées sont consignées dans les cases à côté des dialogues), il a fallu un certain temps pour la trouver vraiment sympathique. Tsukiko est très calme, semble s'être retirée derrière une façade mélancolique, et seul le Sensei parvient à exprimer ses émotions, qui se reflètent également sur son visage. Au fil de l'intrigue, il est devenu plus facile pour moi de comprendre son personnage et de ressentir de l'empathie pour elle. Le sensei est un homme d'envergure, profondément ancré dans les traditions japonaises. C'est pourquoi il garde ses distances avec Tsukiko et ne la laisse se rapprocher que progressivement. Si l'intrigue manque dramatiquement de variété, néanmoins, l'histoire séduit profondémen, simplement par son calme et sa sérénité. Elle raconte le tendre rapprochement entre deux êtres qui avaient déjà renoncé à l'amour. Les conversations littéraires sont tout aussi importantes que la stimulation sensuelle des plaisirs. C'est précisément pourquoi cette histoire a été si enrichissante et a considérablement élargi notre horizon sur les traditions et la culture japonaises. Les lignes épurées et le style de dessin unique de Taniguchi, notamment dans les paysages, nous ont beaucoup impressionné. En termes de langage, l'auteur est resté très fidèle au roman original, les dialogues étant rédigés dans un langage sophistiqué, voire littéraire. Néanmoins, ils sont très accrocheurs et compréhensibles.