Berlin, 1938. C'est la dernière année avant la Seconde Guerre mondiale. Et quiconque observe attentivement l'Allemagne peut déjà voir les signes de la catastrophe à venir : l'agression contre la population juive augmente, et après le réarmement de la Rhénanie et le retour de la Sarre et de l'Autriche au Reich allemand, le regard d'Hitler se pose désormais sur les Sudètes. Alors que les dirigeants européens tentent d’empêcher l’inévitable guerre, Bernie Gunther a lui aussi une nouvelle affaire à régler. Mais cela devient vite une affaire mineure lorsque Bernie est rappelé à son ancien travail : Reinhard Heydrich et Arthur Nebe veulent faire appel aux compétences de l'ancien détective car un tueur en série est en liberté à Berlin. Et comme si cela n'était pas assez effrayant, Gunther évoque une conspiration qui a également ses racines au sein des SS. Après ses expériences de 1936, Bernie Gunther en a finalement assez des nazis. Les nuits passées au siège de la Gestapo de Berlin n'ont fait qu'accroître son ressentiment déjà existant envers les nouveaux dirigeants. C'est pourquoi Bernie est heureux d'enquêter dans un premier temps sur un cas de chantage qui lui est présenté. Mais avant qu'il puisse enfin résoudre l'affaire, les SS interviennent. Les nouveaux chefs de la police allemande, Heydrich et Nebe, demandent à Bernie de retourner à la Kripo. Sachant que ces gens n'accepteront pas un non comme réponse, Bernie cède - également pour empêcher le tueur en série, qui préfère tuer les filles BdM à Berlin, de faire plus de victimes.  Bernie Gunther, qui correspond à bien des égards au détective privé classique de l'ère du noir - alcool, relations tendues avec le sexe opposé, incorruptibilité - s'implique encore plus dans les machinations nazies dans sa nouvelle affaire. Comme il déteste profondément les nouveaux dirigeants, Bernie Gunther se sent visiblement mal à l'aise dans son nouveau rôle - et pourtant il s'y habitue. Avec un bon sens du développement des personnages, le lecteur suit un personnage qui n'est ni un nazi classique ni un combattant de la résistance courageux - et obtient ainsi un aperçu fascinant du système policier de l'époque nazie.

Comme dans L'été de cristal, les expériences de Bernhard Gunther peuvent être lues rapidement et facilement. Cela ne se fait pas au détriment de la qualité, même si les récits ne peuvent prétendre à la haute littérature. En fin de compte, ce n’est pas l’intention de l’auteur : il veut divertir. Et cela réussit sur toute la ligne. Historiquement, le roman policier est en grande partie exact - certaines inexactitudes mineures sont probablement dues au fait qu'il s'agit d'un roman. Le fait que les grands de l'armée nazie apparaissent ici comme personnages du roman nous oblige inévitablement à subordonner certaines circonstances à l'intrigue du roman. Même les puristes ne devraient pas s'en offusquer, car Kerr parvient toujours à impressionner par sa représentation de cette époque sombre et présente également des sujets périphériques tels que l'occultisme au sein de la SS d'une manière passionnante et intéressante. Avec ce volume, Pierre Boisserie et François Warzala continent l'adaptation en bande dessinée de la trilogie berlinoise de Philip Kerr. Bien que l'histoire elle-même ait certainement été exposée avec beaucoup de détails par le roman de Philip Kerr, Pierre Boisserie l'a habilement condensée dans un scénario qui fonctionne comme une bande dessinée et ne révèle aucune lacune ou saut narratif, même s'il peut y en avoir. L'intrigue est suffisamment compliquée et complexe pour vous divertir. De nombreux protagonistes apparaissent, certains fictifs se mêlant habilement à des personnages historiques réels du Troisième Reich, ce qui donne à l'histoire une crédibilité presque effrayante. Après que les alliances entre les protagonistes individuels ont changé plusieurs fois, l'intrigue est finalement résolue avec une tournure intéressante.

Kerr s'est inspiré de Philip Marlowe de Raymond Chandler pour son personnage principal, qu'il a essentiellement déplacé mentalement de Los Angeles à Berlin. Et c'est là le seul défaut de cette histoire : Gunther est un peu trop effronté. Est-ce que les gens de l'époque auraient pu être aussi arrogants envers la Gestapo et les SS que Gunther ? Eh bien, cela est censé décrire son caractère fort, sa résistance contre les nazis — mais est-ce réaliste ? Il doit prendre une vraie raclée, dans le vrai sens du terme, mais rien de plus (heureusement, sinon la série n'aurait pas continué). Cela peut être compréhensible car, en tant qu’ancien policier, il est peut-être toujours en mesure d’évaluer correctement la situation. Mais c'était un peu trop américain, un peu trop Marlowe. Mais c'est une question de goût. François Warzal dessine dans le style très clair de la « Nouvelle-Ligne-Claire », qui rappelle un peu « Robert Sax » de Louis Alloing ou (un peu moins) celui d’André Taymans — les figures de Warzala ne sont pas aussi raides que celles de Taymans. La coloration est discrète mais réussie, et il utilise parfois des ombres qui donnent aux figures un aspect plus tridimensionnel, ce qui est inhabituel, ou du moins rare, dans ce style. Mais les dessins et la coloration correspondent à l'intrigue et créent exactement l'atmosphère dont cette histoire de l'époque nazie a besoin. D'ailleurs, Kerr n'a pas limité les aventures de son héros Bernhard Guther à la trilogie de Berlin, mais l'a suivie de onze autres livres après une pause.