Les scénaristes Simona Mogavino et Arnaud Delalande, auxquels on doit déjà « Alienor, la Légende noire (6 tomes) » et « Catherine de Médicis, la Reine maudite (3 tomes) » dans la collection « Les reines de Sang » nous propose un nouvel opus cette fois-ci consacré à Lakshmi Bai. Elle fut une héroïne du soulèvement populaire en Inde en 1857 contre la Compagnie anglaise des Indes orientales. L’action débute en 1853, à Jhansi, un petit état d’Inde, la reine Lakshmi Bai est obligée d’abandonner son royaume suite à la doctrine de préemption décidée par les anglais. Nous la voyons en pleurs quittant son royaume à dos d’éléphant. Il ne s’agit que d’une courte introduction de cinq pages qui va donner lieu à un flash-back expliquant cette situation. Il est bienvenue car on ne comprendra vraiment ces premières pages qu’à la fin de l’album. C'est une histoire fascinante, mais sans doute plus fictionnelle qu'historique. La Rani est une hindoue dévouée mais n'approuve pas le "sati" (suicide des veuves), qu'elle a en commun avec les Britanniques. Malgré cela, elle est loin d'être pro-britannique. Elle n'aime pas la façon dont les Anglais regardent vers le bas. Sur son peuple. En effet, personne n'aime être jugé.

A noter que ce recueil est un peu plus long que d’habitude puisqu’il fait 60 planches. Alors que faut-il en penser ? Comme souvent dans cette collection, ce premier tome n’est qu’une introduction mettant en place le contexte historique. Si vous ne connaissez pas cette période, vous aurez peut être un peu de mal à vous y retrouver car les premières pages apparaissent un peu trop succinctes. Dommage que les portraits des anglais soient outranciers, heureusement qu’il y a le personnage du major Ellis pour relever le niveau. En revanche, graphiquement c’est une invitation permanente au voyage. Le dessinateur argentin Carlos Gomez qui a réalisé de nombreux comics mais aussi les séries susnommées « Alienor » et « Catherine de Médicis », par son trait réaliste très détaillé excelle, notamment dans la double page (56-57) montrant les déambulations du couple princier à dos d’éléphant dans les rues. Il ne faut pas oublier la mise en couleur de l’italien Luca Saponti (« Shaolin » à partir du T2) dans des tons chauds.  Ce que l'on apprécie aussi beaucoup, c'est le côté « choc des cultures ». Les cultures européenne et indienne sont différentes mais aussi similaires à certains égards. Les deux cultures ont des costumes que l'autre trouverait probablement «étranges» ou «exotiques», ce que Rani et le major Ellis connaissent. Les deux officiers britanniques présentés ici, Eliss et Stevenson, représentent différentes facettes du Raj britannique. Elis représente le côté qui respecte l'Inde et Stevenson le côté qui ne ressent que du mépris colonial pour l'Inde et tous les peuples non européens. Malheureusement, il y aura probablement bien plus de Stevenson que d'Ellis, ce qui ne peut qu'avoir des conséquences tragiques.